Guinée, 67 ans d’indépendance : entre héritage historique et enjeux contemporains

 Le 2 octobre 1958, la Guinée disait "non" à la colonisation française. Retour sur un moment fondateur pour l’Afrique indépendante, ses figures historiques, ses conséquences et son héritage aujourd’hui.

Une date, un tournant historique

Le 2 octobre 1958, la Guinée devenait le premier pays d’Afrique subsaharienne francophone à accéder à l’indépendance, suite à un référendum décisif. Sous la conduite du charismatique Ahmed Sékou Touré, leader du Parti Démocratique de Guinée (PDG) et figure du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), la Guinée rejette le projet de "Communauté française" proposé par le général de Gaulle lors de sa tournée africaine.

Ce "Non" historique à la France allait marquer le début d’un long processus d’émancipation sur le continent, mais aussi d’isolement et de tensions diplomatiques pour la jeune nation guinéenne.

Les pères de l’indépendance et les tractations politiques

L’indépendance de la Guinée n’est pas née dans un vide. Elle est le fruit de longues années de luttes, de débats et d’organisation politique. Plusieurs figures ont joué un rôle majeur :

  • Ahmed Sékou Touré, syndicaliste formé à la base, devient une voix incontournable pour l’indépendance. Son leadership au sein du PDG et du RDA a permis de mobiliser les masses guinéennes en faveur du rejet du colonialisme.

  • Barry Diawandou, Lamine Guèye, ou encore des intellectuels de la diaspora ont également contribué à alimenter le débat politique en faveur de l’émancipation.

  • Les relations entre les partis politiques guinéens étaient parfois tendues, entre ceux qui souhaitaient une autonomie progressive et ceux qui prônaient une rupture immédiate avec la France.

La décision de Sékou Touré de dire "Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage" reste l’un des discours les plus marquants de l’histoire postcoloniale africaine.

Une rupture brutale avec la France

Suite au "non" guinéen, la réaction de la France fut immédiate et brutale. Les administrations françaises furent démantelées en quelques jours, les cadres partis, les archives détruites, les équipements et infrastructures sabotés. La France voulait faire de la Guinée un exemple dissuasif pour les autres colonies tentées par l’indépendance immédiate.

Ce choix audacieux a conduit la Guinée à se tourner rapidement vers l’Union soviétique, la Chine, le Ghana de Kwame Nkrumah, et d'autres nations non alignées. Cette orientation a renforcé une politique d'autosuffisance, mais a également isolé la Guinée sur le plan économique et diplomatique pendant plusieurs années.

Les acquis de l’indépendance

Malgré les difficultés, plus de six décennies après, la Guinée peut se féliciter de certains acquis importants :

  • La souveraineté nationale : la Guinée reste un symbole d’émancipation pour l’Afrique francophone.

  • Une conscience politique forte : la culture du débat politique, du militantisme et de la mobilisation populaire s’est profondément enracinée.

  • Des avancées dans l’éducation et la santé, même si les défis restent énormes.

  • Une jeunesse active, qui reprend progressivement le flambeau du panafricanisme, de la liberté et de l’innovation.

Les rapports avec la France aujourd’hui

Les relations avec la France, jadis glaciales, se sont progressivement normalisées. Plusieurs présidents français, de Jacques Chirac à Emmanuel Macron, ont visité la Guinée, et les coopérations économiques, militaires et éducatives ont repris.

Cependant, ces relations restent marquées par un passé colonial douloureux, des attentes non satisfaites, et des interférences politiques perçues. La Guinée, comme d’autres pays africains, aspire à un partenariat équilibré, basé sur le respect mutuel et la transparence.

Les avantages et les inconvénients d’une indépendance précoce

Avantages :

  • Une liberté totale de choisir ses partenaires.

  • Une identité nationale forgée dans la dignité.

  • Une inspiration pour d’autres pays africains (Mali, Sénégal, etc.) dans leur quête d’indépendance.

Inconvénients :

  • Isolement diplomatique initial.

  • Faible préparation administrative et économique à la gestion d’un État souverain.

  • Répression politique sous le régime autoritaire qui a suivi, avec le camp Boiro en symbole tragique.

Un héritage à réinventer

En célébrant son indépendance, la Guinée se remémore non seulement un acte de courage historique, mais s’interroge aussi sur la manière dont elle utilise cette liberté aujourd’hui. Le combat pour la justice sociale, la bonne gouvernance, la démocratie et le développement économique demeure plus que jamais d’actualité.

Le défi des générations futures sera de faire de l’indépendance une réalité vécue au quotidien, et non seulement un souvenir glorieux.

Pour la  Radio Ylla - Alpha BAH