Est de la RDC : Félix Tshisekedi promet « une riposte vigoureuse », Corneille Nangaa est à Goma


31 janvier 2025 - 88 vues

Les rebelles et leurs alliés rwandais contrôlent désormais la ville de Goma, où est arrivé ce jeudi Corneille Nangaa, le chef de la plateforme dont fait partie le M23. Un nouveau front est désormais ouvert dans le Sud-Kivu. Les principaux événements en direct.

Cet article est actualisé en fonction de l’évolution de la situation dans l’est de la RDC. Vous pouvez recharger la page pour accéder aux dernières informations.

Ce qu’il faut retenir : Le M23, soutenu par le Rwanda, a lancé une offensive sur plusieurs axes autour de Goma, la capitale du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC. Les combats ont débuté le 23 janvier et les rebelles ont pénétré dans la ville dimanche 26 janvier au soir. Ils en tiennent les points clés depuis le 28 janvier. Mercredi 29 janvier, ils ont ouvert un nouveau front dans la province voisine du Sud-Kivu, où ils se sont emparés de deux localités.

Le Conseil de sécurité des Nations unies, qui s’est réuni en urgence les 26 et 28 janvier, a condamné le « mépris éhonté » de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC. Le Conseil de paix et de sécurité de l’UA s’est lui aussi réuni et a dénoncé « les violences du M23 ». La RDC continue de demander des sanctions contre le Rwanda.

Félix Tshisekedi a nommé, le 28 janvier, un nouveau gouverneur militaire du Nord-Kivu, en remplacement de Peter Cirimwami, tué dans les combats quelques jours plus tôt. Ce 29 janvier, a annoncé la présidence angolaise, le chef de l’État congolais s’est rendu à Luanda pour y rencontrer João Lourenço, médiateur désigné par l’Union africaine dans le conflit qui oppose la RDC au Rwanda.

Ils ont évoqué « les prochaines étapes dans le cadre du processus de Luanda, en tenant compte de la situation créée par la prise de Goma par les forces rebelles ». De retour à Kinshasa, le président congolais s’est ensuite adressé à la nation congolaise, dans la soirée, et a promis une riposte face à l’avancée du M23, dénonçant également l’inaction coupable de la communauté internationale.

Les dernières informations : 

• Corneille Nangaa à Goma

Selon nos informations, Corneille Nangaa est arrivé à Goma, capitale du Nord-Kivu désormais contrôlée par les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. L’ancien patron de la commission électorale congolaise est aujourd’hui le président de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), mouvement politique créé en décembre 2023 depuis le Kenya et dont fait partie le M23.

Ces derniers jours, celui qui est accusé par le gouvernement congolais d’être une « marionnette » du Rwanda était jusque-là resté en dehors de Goma, « en lieu sûr » selon un proche, en attendant que les rebelles viennent à bout des poches de résistance des FARDC et de leurs alliés Wazalendo. L’entourage de Corneille Nangaa a fait part, dès le début de l’offensive sur Goma, de l’intention de l’AFC de tenir un meeting dans la capitale régionale du Nord-Kivu.

• Félix Tshisekedi s’est adressé à la nation

Le président de la RDC, Félix Tshisekedi, qui ne s’était pas exprimé depuis le début de la crise à Goma et de l’offensive du M23 et de ses alliés rwandais, a lancé mercredi 29 janvier au soir à la télévision nationale (RTNC) un message d’espoir, assurant que « la RDC surmontera cette tempête » et annonçant une « riposte rigoureuse et coordonnée contre [l]es terroristes et leurs parrains ».

« L’est de notre pays, en particulier les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri, fait face à une aggravation sans précédent de la situation sécuritaire », a-t-il ajouté. Il a également condamné la passivité de la communauté internationale. « Votre silence et votre inaction […] constituent un affront » à la RDC, a-t-il lancé.

• Le ministre des Affaires étrangères français est arrivé à Kinshasa

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, est arrivé en RDC ce 30 janvier. En discussion depuis plusieurs jours, cette visite a tardé à être confirmée, notamment en raison de l’évolution rapide du contexte sécuritaire et de l’attaque de différentes ambassades – dont celle de la France – le 28 janvier à Kinshasa. Cet incident a été condamné par Jean-Noël Barrot, qui a évoqué des « attaques inadmissibles ».

Le chef de la diplomatie française doit en principe s’entretenir avec Félix Tshisekedi. Il se rendra ensuite à Kigali, pour échanger avec Paul Kagame. Emmanuel Macron a multiplié les appels ces derniers jours à ses homologues congolais et rwandais, ainsi qu’à plusieurs présidents de la sous-région. Des contacts ont également eu lieu entre la diplomatie française et la Monusco.

Les informations de mardi 28 janvier 2025 :

• Le M23 progresse sur un nouveau front dans le Sud-Kivu

Le M23 a avancé ce mercredi sur un nouveau front en s’emparant de deux localités dans la province du Sud-Kivu, voisine du Nord-Kivu. Plusieurs habitants des villages concernés, qui n’ont pas opposé de résistance aux rebelles, ont confirmé la prise de ces localités à l’AFP.

Dans la matinée, le M23 s’est emparé de Kiniezire et Mukwidja, dans le territoire de Kalehe. Dans cette province du Sud-Kivu, les forces armées congolaises (FARDC) ont établi leur principale ligne de défense dans la cité de Kavumu, qui dispose d’un aérodrome.

Si le M23 venait à percer les défenses des FARDC à Kavumu, la ville de Bukavu, capitale de la province, pourrait être à son tour menacée. Or une partie des forces congolaises chassées de Goma par l’offensive du M23 et de l’armée rwandaise ont fui par bateau sur le lac Kivu pour se réfugier à Bukavu.

• Les mercenaires roumains de Goma évacués vers Kigali

Le ministère de la Défense rwandais a confirmé mercredi sur X la reddition et l’évacuation des mercenaires roumains de la société militaire privée Congo Protection, gérée à Goma par le Roumain Horatiu Potra, ancien de la Légion étrangère française, et alliée des FARDC depuis fin 2022. Jeune Afrique en raconte les coulisses dans l’article ci-dessous.

• La « bataille de Goma » en cartes et en infographie

L’offensive éclair du M23 et de ses alliés rwandais a permis au groupe rebelle de prendre le contrôle de la plus grande ville du Nord-Kivu en seulement quelques jours. Les combats de cette « bataille de Goma » se sont livrés quartier par quartier. Une intense guerre urbaine lors de laquelle les civils, soumis aux bombardements d’artillerie lourde, ont payé un lourd tribut, tandis que les rebelles prenaient la main sur les principaux points stratégiques de Goma. Jeune Afrique a dressé la cartographie de ces « points stratégiques » dans l’article ci-dessous.

Pour en savoir plus sur la manière dont cette offensive a été préparée, et en particulier sur la manière dont le Rwanda a soutenu le M23 à toutes les étapes de celle-ci, (re)découvrez également notre infographie publiée en juin dernier.

• Les banques locales tentent de gérer la crise de Goma

Malgré la fermeture des agences à Goma, les banques continuent d’y assurer un service minimum. Mais la situation pourrait basculer rapidement dans l’inconnu si l’instabilité perdure, comme nous l’expliquons dans l’article ci-dessous.

• L’AFC, Corneille Nangaa et l’ombre de Joseph Kabila

Depuis le début de l’offensive du M23 et de ses alliés rwandais, un homme se mure dans le silence, depuis l’étranger : Joseph Kabila. L’ancien président, aujourd’hui opposant à Félix Tshisekedi, sait pourtant que ce dernier l’a accusé d’être derrière la création de l’Alliance Fleuve Congo (AFC, dont fait partie le M23) par Corneille Nangaa. Jeune Afrique expliquait la situation dans l’article ci-dessous.

L’ex-patron de la commission électorale Corneille Nangaa, qui a juré de renverser Félix Tshisekedi, le président dont il avait annoncé la victoire en 2019, est lui-même accusé par Kinshasa d’être la « marionnette » du Rwanda. En juillet dernier, peu avant qu’il soit condamné à mort par contumace en RDC, Jeune Afrique en avait dressé un long portrait.

• Reddition de plusieurs centaines d’éléments FARDC à Goma

Alors que les rebelles du M23 soutenus par l’armée rwandaise ont pris le contrôle de quasiment toute la ville de Goma et de tous ses points stratégiques, plusieurs centaines d’éléments de l’armée congolaise se sont rendus ce 29 janvier. Ils ont été désarmés au stade de l’Unité de Goma, en présence du M23 et des éléments de la mission onusienne en RDC (Monusco).

La veille, le 28 janvier, un haut responsable du M23 avait confié à Jeune Afrique que 4 000 à 5 000 militaires – parmi lesquels des combattants des Forces démocratiques de libération du Rwanda et des wazalendos, alliés des FARDC – s’étaient déjà rendus ces derniers jours.

Ce 29 janvier également, à Gisenyi, à la frontière entre la RDC et le Rwanda, les combattants roumains de la société militaire privée Congo Protection, qui combattaient depuis 2022 aux côtés de l’armée congolaise, ont été également enregistrés après leur reddition.

• João Lourenço fait la promotion du processus de Luanda

Le président angolais, médiateur désigné par l’Union africaine dans le conflit qui oppose la RDC au Rwanda, s’est fendu d’un communiqué pour remémorer aux parties prenantes qu’un plan de sortie de crise existe. Il avait été accepté par les ministres des Affaires étrangères et les responsables des services de renseignements des différents pays après d’âpres négociations. Mais l’échec de la réunion du 15 décembre 2024, snobée par le président Paul Kagame, a mis fin aux discussions et relancé la guerre.

Lourenço « exhorte la RDC et le Rwanda à respecter les engagements pris dans le cadre du processus de Luanda, permettant de créer les conditions nécessaires à la convocation d’un sommet tripartite à Luanda, de manière urgente ». Sur la question du dialogue direct entre la RDC et le M23, que réclame Kigali mais que refuse Kinshasa, le président rappelle que ce dialogue est prévu dans le cadre du processus de Nairobi avec d’autres groupes armés et qu’il doit reprendre avec urgence. Les derniers développements à Goma sont observés avec une « grande appréhension » par l’Angolais.

• Ramaphosa défend la présence sud-africaine en RDC

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa s’est exprimé pour la première fois depuis la mort de 13 soldats dans la bataille pour Goma qui a commencé le 23 janvier. « Tous les Sud-Africains doivent se rallier aux hommes et femmes courageux qui ont consacré leur vie à ramener la paix sur notre continent », a appelé de ses vœux le chef de l’État sud-africain dans un communiqué.

La force militaire régionale de la SADC (SAMIRDC), intervenant dans l’est de la RDC pour soutenir les soldats congolais et à laquelle participe l’armée sud-africaine, est impopulaire en Afrique du Sud car perçue comme mal dotée. Le président assure cependant que tout est fait pour que ces militaires soient bien équipés et soutenus. Bien que les soldats sud-africains de la SAMIRDC aient été tués dans l’offensive du M23 soutenue par le Rwanda, « la présence militaire sud-africaine dans l’est de la RDC n’est pas une déclaration de guerre contre un pays ou un État », a assuré Ramaphosa.

Le Sud-Africain s’est entretenu avec le président rwandais Paul Kagame le 27 janvier, une discussion décrite comme cordiale et productive par Ernest Rwamucyo le représentant du Rwanda aux Nations unies. Un sommet extraordinaire de la SADC, consacré à la situation en RDC, est prévu le 30 janvier à Harare, au Zimbabwe.

• Un sommet de l’EAC sans Tshisekedi

Un sommet extraordinaire de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), organisé par le président kényan, William Ruto, doit se tenir ce 29 janvier sous forme de visioconférence. Le président rwandais, Paul Kagame, doit y participer, selon la présidence rwandaise, contrairement au président congolais, Félix Tshisekedi. Celui-ci est « indisponible » fait savoir une source jointe par Jeune Afrique.

L’option de se déplacer à Nairobi, dans le contexte de l’invasion de Goma par le M23 et ses alliés rwandais, avait déjà été jugée impensable par la présidence congolaise. Félix Tshisekedi, qui n’a pas encore parlé publiquement depuis le début de l’offensive sur Goma, le 23 janvier, doit s’adresser à la nation ce mercredi 29 janvier.

• Entre Tshisekedi et l’EAC, l’absence de confiance

Félix Tshisekedi a donc décidé de ne pas participer au sommet extraordinaire de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC), consacré ce 29 janvier à la situation autour de Goma et à l’offensive du M23 et de ses alliés rwandais dans l’est de la RDC. Le symbole d’un manque de confiance du Congolais envers l’EAC, que Jeune Afrique a plusieurs fois évoqué dans ses articles.

La RDC n’a officiellement rejoint la communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) qu’en mars 2022, au terme d’un processus lancé par le président congolais Félix Tshisekedi trois ans auparavant. L’intégration, comme nous l’expliquions dans l’article ci-dessous, avait alors un but à la fois économique et politique, puisque le chef de l’État espérait pouvoir s’appuyer sur l’EAC pour trouver une solution aux problématiques sécuritaires à l’est de son pays.

Mais le pari d’ouverture à l’Est de Félix Tshisekedi n’a jamais réussi. Le passage à l’offensive du M23 en 2023 déjà avait fait monter de nouveau d’un cran les tensions qui opposaient Kinshasa à Kigali. Comme nous le racontions dans l’article suivant, celles-ci ont donc rapidement pris le pas sur toutes les autres considérations, éclipsant les opportunités d’intégration économique initialement évoquées.

Alors que l’EAC avait envoyé une force régionale dans l’est de la RDC pour tenter d’y résoudre la crise, Félix Tshisekedi a fini par demander son départ, fin 2023, et les relations avec le Kenya se sont ensuite envenimées tandis que l’opposant Corneille Nangaa lançait depuis Nairobi l’Alliance du Fleuve Congo (AFC), au sein de laquelle il est associé à plusieurs mouvements armés, dont le M23. Depuis, les relations entre l’EAC et Kinshasa ne se sont guère améliorées.

• Le pape François appelle à l’arrêt des combats

Le pape François a déploré ce 29 janvier les violences qui touchent l’est de la RDC et a appelé à la fin des combats. « J’exhorte toutes les parties au conflit à s’engager en faveur de la cessation des hostilités et pour la sauvegarde des populations civiles de Goma et des autres régions concernées par les opérations militaires », a-t-il dit, demandant « l’arrêt le plus rapide possible de toute forme de violence ». Le pape a assuré prier « pour le rétablissement de la paix et de la sécurité » et a conclu en invitant « les autorités locales et la communauté internationale à un engagement maximum pour résoudre le conflit avec des moyens pacifiques ».

• Plusieurs compagnies suspendent leurs vols vers Kinshasa

Alors que des manifestations ont éclaté dans la capitale congolaise le 28 janvier et que plusieurs ambassades ont été attaquées, des compagnies aériennes ont réagi. C’est notamment le cas de la compagnie nationale française, Air France, qui a suspendu temporairement ses vols vers Kinshasa, comme l’explique Jeune Afrique dans l’article ci-dessous.

• Après la prise de Goma, jusqu’où compte aller le M23 ?

La ville de Goma est depuis le 28 janvier sous le contrôle des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. Mais ils affirment ne pas vouloir s’en tenir à cette conquête éclair, pourtant hautement symbolique. Jeune Afrique a pu joindre l’un des cadres du M23, qui expose une partie de la stratégie du groupe dans l’article ci-dessous.

• Un nouveau gouverneur militaire du Nord-Kivu

Félix Tshisekedi a nommé ce 28 janvier Évariste Somo Kakule, promu dans le même temps au garde de général-major, au poste de gouverneur militaire du Nord-Kivu. Il remplace le général-major Peter Cirimwami, tué alors que l’armée défendait la ville de Saké, le 23 janvier dernier. Évariste Somo Kakule était jusqu’ici à la tête de la 31e Brigade de réaction rapide, basée à Kindu, dans la province de Maniema.

• Condamnation unanime des attaques d’ambassades à Kinshasa

Le tour de table des orateurs au Conseil de sécurité des Nations unies, le 28 janvier, a été l’occasion de dénoncer les attaques contre les représentations diplomatiques à Kinshasa. Les ambassades d’Ouganda et du Rwanda ont été pillées tandis que d’autres ont été vandalisées, comme celles du Kenya, de la France, de la Belgique ou des États-Unis, lors d’une manifestation contre le Rwanda et la communauté internationale. « Nous exhortons Kinshasa à garantir la protection des missions étrangères », a tonné le représentant russe à l’ONU.

Tout en condamnant ces attaques, la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a fait le lien entre la violence des manifestants et l’immobilisme du Conseil. « L’inaction collective semble malheureusement embraser cette situation jusque dans sa capitale », a-t-elle souligné après avoir mis en garde : « si ce Conseil échoue, la rue va s’en charger. »

Le gouvernement congolais essaie de ne pas discréditer cet élan populaire tout en condamnant les violences qui ne sont pas de nature « à renforcer le soutien que nous attendons d’eux [les diplomates étrangers] parce qu’ils risquent d’être préoccupés par le sort de leurs compatriotes », a commenté Patrick Muyaya, le ministre de la Communication. En effet, les États-Unis ont temporairement fermé leur ambassade et recommandent à leurs ressortissants à quitter la RDC, tandis que la compagnie aérienne nationale ougandaise a mis un terme à ses vols vers la RDC en attendant un retour au calme.

• La RDC continue à exiger des sanctions contre le Rwanda

Condamner, oui, sanctionner, pas encore. C’est la situation qui prévaut au Conseil de sécurité des Nations unies qui se réunissait une nouvelle fois le 28 janvier au soir. La RDC, par la voix de sa ministre des Affaires étrangères, a mis en garde contre la passivité de l’ONU. « Jusqu’à quand le Rwanda abusera-t-il de votre respect et de votre autorité ? […] Le Rwanda a prouvé que vos déclarations ne lui importent guère », a interpellé la ministre.

De son côté, le représentant du Rwanda à l’ONU, Ernest Rwamucyo, a accusé la communauté internationale d’être responsable de la situation pour avoir ignoré la menace d’une déstabilisation qui pèserait sur le Rwanda. « La détérioration sécuritaire dans l’est de la RDC n’a qu’une seule cause immédiate : l’obsession du président congolais pour une solution militaire et pour un changement de régime au Rwanda », a-t-il dénoncé. Dans sa dernière prise de parole, Thérèse Kayikwamba Wagner lui a répondu que l’objectif du M23 était de marcher sur Kinshasa et que le soutien rwandais au groupe rebelle revenait à soutenir un changement de régime.

• La Monusco appelle à éviter « une troisième guerre au Congo »

La session du Conseil de sécurité de l’ONU du 28 janvier s’est ouverte avec l’allocution de Vivian Van de Perre, représentante spéciale adjointe pour la protection et les opérations à la Monusco, en direct depuis Goma. Elle est apparue avec son gilet pare-balles et casque bleu sur la tête. Elle a fait le constat de l’impuissance du Conseil. « En dépit des délibérations et de l’appel des États membres lors de la séance d’urgence du Conseil de sécurité du 26 janvier, le M23 et les FDR [forces armées rwandaises] ont lancé une attaque contre Goma ouvrant un feu nourri », a-t-elle souligné.

Vivian Van de Perre a décrit une situation fortement dégradée dans la ville de Goma et dans les bases de la Monusco, qui commence à manquer de ressources alors qu’elle doit gérer un afflux de réfugiés. « Nos bases ne sont pas sûres. Deux mortiers sont tombés dans une base de la Monusco ces trois derniers jours ainsi que d’innombrables balles. » La force onusienne protège les stocks d’armes et de munitions qui sont abandonnés ou lui sont remis, mais leur stockage pourrait susciter des convoitises, s’inquiète la représentante.

La ville est de moins en moins sûre avec la prolifération d’armes, le pillage de dépôts militaires et l’évasion de plus de 4 000 détenus de la prison de Goma. « L’ampleur des souffrances pour la population de Goma et alentour est inimaginable », a alerté Vivian Van de Perre, qui appelle à tout faire pour « éviter la menace qui se dessine d’une troisième guerre au Congo ».

Les informations de mardi 28 janvier 2025 :

• Le M23 patrouille dans Goma

Cible de l’offensive du M23 et de ses alliés rwandais depuis le 23 janvier, la capitale du Nord-Kivu a été le théâtre ces derniers jours de combats entre l’armée congolaise et les rebelles. Ces derniers en maîtrisent désormais les points-clés au soir de ce 28 janvier. Vous pouvez lire ci-dessous notre reportage dans la capitale du Nord-Kivu.

• L’UA demande au M23 « de déposer les armes »

Réuni en « session d’urgence » à Addis-Abeba, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) a « condamné les violences du M23 » et appelé les rebelles « à déposer les armes ». Il a aussi dit son attachement au « plein respect de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la RDC », selon le commissaire aux affaires politiques de l’UA, le Nigérian Bankole Adeoye.

• Premiers rassemblements de l’AFC à Goma

La situation est encore incertaine à Goma, où le M23, soutenu par le Rwanda, a combattu ces dernières heures des poches de résistance des FARDC et de leurs alliés. Les rebelles semblent avoir pu accentuer leur contrôle sur les points clés de la capitale régionale du Nord-Kivu. D’après des images reçues par Jeune Afrique, des rassemblements de partisans de l’Alliance Fleuve Congo (AFC, la plateforme politico-militaire dont fait partie le M23) ont eu lieu ce 28 janvier dans l’après-midi. Plusieurs lieutenants de Corneille Nangaa, patron de l’AFC, sont à la manœuvre pour organiser ces démonstrations de soutien.

L’ancien président de la commission électorale congolaise n’est, lui, pas présent sur place. Selon nos informations, il suit le développement de la situation « depuis un lieu sûr » et attend notamment la tenue d’une nouvelle réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, ce 28 janvier, pour décider de se rendre ou non à Goma.

Depuis le début de l’offensive du M23 et de ses alliés rwandais, les rebelles annoncent la tenue d’un grand meeting dans la capitale du Nord-Kivu. D’abord programmé le 27 janvier, à l’expiration de l’ultimatum posé aux FARDC pour leur reddition, celui-ci n’avait toutefois pas eu lieu.

• Plusieurs ambassades attaquées à Kinshasa

Plusieurs ambassades ont été attaquées ce mardi à Kinshasa, par des manifestants dénonçant la guerre dans l’est du pays. Les ambassades du Rwanda, de la France, de Belgique ainsi que des États-Unis ont été ciblées, de la fumée s’échappant du bâtiment de la représentation française.

Des pillages sont également en cours, notamment dans les quartiers de Limete et de La Gombe.

• Quatre nouveaux soldats sud-africains tués à Goma

Déjà endeuillée par la perte de 9 hommes, l’armée sud-africaine – engagée dans la force régionale SAMIDRC à Goma – déplore la mort de quatre nouveaux soldats. « À la suite d’un échange de mortiers entre les FARDC [l’armée congolaise] et la milice rebelle des M23, lundi 27 janvier 2025, près de l’aéroport de Goma où la base des SANDF [l’armée sud-africaine] est localisée, trois membres des SANDF ont été pris dans un échange de tirs et sont morts », annonce un communiqué, qui précise que les mortiers ont été tirés par le M23 qui cible l’aéroport de Goma et dont les obus sont tombés sur la base sud-africaine.

L’armée sud-africaine annonce également le décès d’un de ses membres qui avait été blessé auparavant dans des combats contre le M23. Les autres blessés continuent de recevoir des soins dans un hôpital de Goma.

Malgré ces pertes et malgré l’incompréhension et la colère de l’opinion publique en Afrique du Sud, l’armée sud-africaine, qui participe à hauteur de 2 900 hommes dans la force SAMIDRC, se dit déterminée à poursuivre sa mission de maintien de la paix en RDC.

• Situation toujours confuse à Goma

Des tirs sont toujours entendus à Goma ce mardi matin, malgré l’annonce hier par la force uruguayenne de la Monusco d’un accord de cessez-le-feu entre « les factions en conflit ». Cet accord devait prendre effet à 19 heures lundi soir.

« La situation est toujours confuse, indique à Jeune Afrique une source présente à Goma. Une partie de la ville est contrôlée par le M23 et une petite partie des quartiers nord est contrôlée par les FARDC et les Wazalendo. »

Les combats de lundi ont fait 17 morts et près de 370 blessés, selon les bilans d’hôpitaux obtenus par l’AFP. Un porte-parole des Forces rwandaises de défense (RDF) a par ailleurs fait état de cinq civils tués et de 25 personnes grièvement blessées dans les environs de Gisenyi, du côté rwandais de la frontière.

Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) doit se réunir ce mardi à 14 heures (heure de Kinshasa), de même que le Conseil de sécurité de l’ONU pour une deuxième fois après la réunion de dimanche, à 21 heures (heure de Kinshasa).

• Le président Félix Tshisekedi va s’adresser à la nation

L’annonce a été faite lundi soir, sans plus de précisions, à la suite d’une réunion du chef de l’État congolais avec les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat, de la Cour constitutionnelle et avec la Première ministre. Un plan de sortie de crise sera aussi bientôt dévoilé, selon Vital Kamerhe, le président de l’Assemblée nationale.

Dans la soirée, Félix Tshisekedi a aussi eu un entretien téléphonique avec Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État américain. Les deux hommes sont convenus de l’importance du processus de Luanda pour régler la crise avec le Rwanda.

Le président rwandais Paul Kagame a, lui, eu un entretien téléphonique avec son homologue sud-africain, Cyril Ramaphosa, dont 9 des soldats ont été tués dans l’assaut du M23 soutenu par Kigali. Les deux chefs d’État partagent l’avis qu’un cessez-le-feu est urgent et qu’il faut reprendre les pourparlers, selon un communiqué de la présidence sud-africaine.

Les informations de lundi 27 janvier 2025 :

• Tshisekedi, Kagame, Ruto… Emmanuel Macron multiplie les échanges en coulisses

Le chef de l’État français, qui avait déjà échangé séparément avec Félix Tshisekedi et Paul Kagame le 25 janvier, a de nouveau eu des entretiens téléphoniques avec les deux présidents dans la soirée du 26 janvier, selon une source élyséenne. « Extrêmement préoccupé » par la situation dans l’Est, Emmanuel Macron a multiplié les initiatives en coulisses ces dernières heures afin de trouver « une voie de désescalade » après l’entrée du M23 et de ses soutiens rwandais dans Goma.

Emmanuel Macron a également évoqué la situation à Goma avec plusieurs de ses homologues de la sous-région. Entre le 26 et le 27 janvier, il a notamment discuté avec le Congolais Denis Sassou Nguesso, avec le Sud-Africain Cyril Ramaphosa qui déploie des troupes en RDC, ainsi qu’avec le Kényan William Ruto. Avec ce dernier, le président français a évoqué la tenue d’un prochain sommet extraordinaire de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). Le 26 janvier, William Ruto a en effet annoncé qu’il allait réunir en urgence les chefs d’État de la sous-région. Il a aussi affirmé que Félix Tshisekedi et Paul Kagame avaient répondu favorablement à son invitation. Sollicitée dans la matinée du 27 janvier, la présidence congolaise a toutefois affirmé à Jeune Afrique que Félix Tshisekedi n’avait pas l’intention d’y prendre part.

Du côté de l’Élysée, on se dit convaincu de la nécessité de relancer le processus de Nairobi, que pilote l’EAC depuis 2022. Cette médiation, parallèle à celle pilotée par l’Angolais João Lourenço, prévoit un cadre de dialogue entre Kinshasa et les groupes armés actifs dans l’Est. Le Rwanda plaide pour qu’un dialogue direct ait lieu entre la RDC et les rebelles du M23, ce que Kinshasa refuse, considérant que c’est une ligne rouge. Les autorités congolaises estiment que seul un cadre de discussion impliquant l’ensemble des groupes armés est envisageable. Ce point de blocage a été évoqué par le président Macron et ses homologues ce week-end, sans qu’aucun compromis ne semble avoir émergé.

• L’UA se réunit ce mardi

C’est au tour du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA) de se réunir en urgence pour évoquer la brusque dégradation de la situation sécuritaire dans le Nord-Kivu. « Il y aura une session d’urgence du Conseil de paix et de sécurité demain à midi sur la situation dans l’est de la RDC », a déclaré ce lundi à l’AFP Paschal Chem-Langhee, porte-parole du CPS, alors que des tirs d’artillerie lourde sont toujours entendus à Goma.

• Que deviennent les FARDC et leurs alliés sur le terrain ?

Alors que les rebelles du M23 et leurs alliés rwandais ont lancé une vaste offensive vers Goma depuis le 23 janvier, l’armée congolaise et ses alliés peinent à contenir leur avancée. Sur le terrain, certains contingents ont déposé les armes et ont quitté la capitale régionale du Nord-Kivu.

Jeune Afrique fait le point ici sur ce que deviennent les FARDC et leurs alliés sur le terrain ce 27 janvier.

• Qu’est-ce que le processus de Luanda, auquel chacun dit rester attaché ?

Depuis l’intensification de l’offensive du M23 et de son allié rwandais dans l’est de la RDC, les diplomaties congolaises et rwandaises affirment rester impliquées dans les négociations de Luanda – processus entamé depuis de longs mois sous l’égide du président angolais, João Lourenço.

Si celui-ci semble dans l’impasse, il était notamment construit autour d’un accord trouvé le 25 novembre 2024 entre Kinshasa et Kigali, qui encadrait les opérations contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et précisait les modalités du désengagement des forces rwandaises.

Vous pouvez retrouver ici le contenu de ce plan, pour l’instant largement inopérant et non respecté, que Jeune Afrique avait pu consulter.

• Le gouvernement congolais veut « éviter le carnage à Goma »

Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a publié une déclaration sur X ce 27 janvier. Il y évoque la situation dans Goma, « marquée par la présence de l’armée rwandaise ». « Nous tenons à rassurer la population que dans la suite des instructions du président de la République, le gouvernement continue de travailler pour éviter le carnage », a-t-il assuré.

Le gouvernement congolais recommande « à la population de Goma de suivre les dispositions suivantes : rester à l’abri, à la maison ; s’abstenir de commettre des actes de vandalisme et de pillage ; barrer la route à la propagande manipulatrice du Rwanda ». Et il ajoute : « Nous sommes tous gardiens de notre territoire. Aucun centimètre ne sera cédé ! »

• Le vice-gouverneur de la province du Nord-Kivu a quitté Goma

Selon les informations de Jeune Afrique, le commissaire divisionnaire Romuald Ekuka Lipopo et une partie de ses équipes ont quitté la ville de Goma, le 26 janvier, aux environs de 19 heures. Le vice-gouverneur de la province du Nord-Kivu, après avoir gagné une base de la Monusco, a pris place à bord d’un bateau qui a l’a emmené vers Bukavu, dans le Sud-Kivu.

Peu avant, il avait pourtant tenu à rassurer la population de Goma sur l’engagement du gouvernement provincial à faire front face aux rebelles du M23 et à leurs soutiens rwandais. Il avait également appelé au calme au lendemain de l’annonce du décès du général Peter Cirimwami, gouverneur militaire du Nord-Kivu.

• Le sommet de l’EAC va-t-il se tenir ?

Alors que William Ruto a annoncé le 26 janvier la prochaine tenue d’un sommet d’urgence de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) dédié à la crise en RDC, l’avenir de cette initiative semble incertain. Le chef de l’État kényan, qui assure la présidence tournante de l’organisation sous-régionale, a affirmé que les présidents Kagame et Tshisekedi, à qui il a parlé séparément dimanche, participeront à cette rencontre dont la date n’a pas été précisée.

Toutefois, une source officielle rwandaise contactée par Jeune Afrique affirme n’avoir, à ce stade, « pas plus de détails » sur cette initiative. La présidence congolaise nous a par ailleurs confirmé que Félix Tshisekedi n’y participera pas. « Il est clair que, par rapport à la situation qui prévaut en ce moment, le président ne pourra pas aller à ce sommet », nous a répondu Tina Salama, sa porte-parole. Elle précise aussi que, bien que Félix Tshisekedi « salue l’initiative des chefs d’État de l’EAC », la RDC « continue à dire que le processus de Luanda est toujours en cours ». Également contacté, l’entourage du président Ruto n’a pas donné suite.

Les informations de dimanche 26 janvier :

• « Goma s’apprête à tomber »

La capitale du Nord-Kivu est secouée depuis plusieurs heures par des tirs à l’arme lourde. Dimanche soir, des combattants du M23 et des soldats rwandais ont pénétré dans Goma, selon plusieurs sources onusiennes et sécuritaires, sans que l’on sache avec certitude ce lundi matin qui contrôle la ville. Selon nos informations, la station locale de la RTNC est désormais entre les mains des rebelles.

Contacté par Jeune Afrique, un habitant de Goma a affirmé se trouver « sous une pluie de balles ». « Je suis au centre-ville et je ne saurais pas décrire la situation, car depuis cette nuit, il y a les coups de feu, a-t-il ajouté. On ne peut pas bouger. »

Souce Jeune Afrique 

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